Le charisme de sainte Soeur Faustine a engendré non seulement une nouvelle école de spiritualité mais aussi le Mouvement Apostolique de la Miséricorde Divine ou [Mouvement des Apôtres de la Miséricorde Divine] qui s’engage de différentes manières à proclamer au monde le message de la miséricorde de Soeur Faustine, par le témoignage de la vie, par les oeuvres, les paroles et la prière.
La première idée de ce Mouvement fut révélée à Soeur Faustine par Jésus en 1935 à Wilno [Vilnus]: Dieu exige qu’ il y ait une Congrégation pour proclamer sa miséricorde et l’ implorer pour le monde. (Petit Journal [P. J.] 436). Soeur Faustine envisage alors de quitter sa propre Congrégation pour en fonder une autre à caractère contemplatif dont elle rédige même la Règle. Avec le temps, elle perçoit qu’il ne s’agit pas uniquement de fonder un monastère au règlement strict et partage cette opinion avec son directeur d’âme, le Bienheureux Père Michel Sopoćko. Dans sa lettre qu’elle lui adresse, au début de 1936, elle dit: Je vois clairement qu’il y aura non seulement une congrégation de femmes et une autre d’hommes, mais je vois qu’il y aura également une grande association de personnes laïques à laquelle tous pourraient adhérer, pour rappeler par des oeuvres la miséricorde divine et pratiquer la miséricorde les uns envers les autres. Père, n’allez pas traiter de folles mes réflexions, car c’est réellement ce qui va bientôt se réaliser, et bien que je n’aie personne pour me seconder dans cette oeuvre, je ne me décourage en rien parce que que je sais que c’est la volonté de Dieu. Cela me suffit. Elle était donc toujours persuadée de son rôle de fondatrice. Tout ce qu’elle souffrit alors en voulant remplir le voeu du Seigneur fut une dure épreuve de purification passive de son âme, au niveau de l’esprit et de l’entendement, à laquelle Dieu l’avait soumise avant de lui accorder le don d’union suprême : de fiançailles et d’épousailles mystiques. De cette expérience surnaturelle Soeur Faustine ressort avec une ferme conviction que la volonté de Dieu s’accomplira sous trois formes, mais dans une même unité.
Elle décrit cette triple structure de l’oeuvre dans son « Petit Journal » : La première est que des âmes retirées du monde se consument en holocauste devant le trône de Dieu et implorent sa miséricorde pour le monde entier… Elles imploreront sa bénédiction pour les prêtres et, par leurs prières, elles prépareront le monde à l’ ultime venue de Jésus. La deuxième est que des âmes vivent dans la prière en y joignant l’ acte de miséricorde. Elles seront en particulier chargées de défendre du mal les âmes des enfants. Tout ce qu’ elles devront accomplir consiste en la prière et en l’ acte de miséricorde. On pourra accueillir dans ce groupe même les plus pauvres. Ces âmes s’ efforceront d’ éveiller dans ce monde égoiste l’ amour, la miséricorde de Jésus. La troisieme est que des âmes vivent dans la prière et pratiquent la miséricorde sans être liées par des voeux, mais, en agissant ainsi, elles auront part aux mêmes mérites et aux mêmes privilèges que les autres. Tous les gens qui vivent dans le monde peuvent appartenir à ce groupe. Toutes les personnes qui font partie de ce dernier groupe devront accomplir chaque jour au moins un acte de miséricorde (P. J. 1155-1158).
Origine du Mouvement des Apôtres de la Miséricorde Divine
Le charisme et l’expérience mystique de Sainte Soeur Faustine ont inspiré dans l’Eglise une oeuvre appelée Mouvement des Apôtres de la Miséricorde Divine. L’idée de cette oeuvre ne lui a pas été révélée par Dieu immédiatement, mais Il le fit par étapes : depuis son ordre de fonder une congrégation à la stricte règle contemplative jusqu’à préciser les structures de la fondation d’un nouveau mouvement qui unirait, aussi bien les membres des monastères cloîtrés, que ceux des congrégations à l’apostolat actif, et tous les hommes de bonne volonté vivant dans le monde.
Le début du Mouvement date de 1935, lorsque Soeur Faustine séjournait au couvent de Wilno. Déjà favorisée de grands dons mystiques, elle vivait une certaine période de paix : le premier tableau selon le désir de Jésus venait d’être peint et il reçut une vénération publique le premier dimanche après Pâques, du 26 au 28 avril 1935, dans la chapelle de Notre-Dame d’Ostra Brama [en lituanien : Ausros Vartai] à Wilno. Au milieu de cette oasis de paix, Jésus l’interpelle à nouveau :
Tu prépareras le monde à mon ultime venue (P. J. 429). Ces paroles m’ ont bouleversée dit-elle- et, bien que j’ aie feint de ne pas les avoir entendues, je les comprends parfaitement et je n’ ai aucun doute à leur sujet. Une autre fois, fatiguée de cette lutte entre mon amour pour Dieu et mon refus continuel d’ accomplir cette oeuvre sous prétexte que j’ en étais incapable (P. J. 429).
La mission continue. Au soir de la Pentecôte, 9 juin 1935, Soeur Faustine reçoit de Jésus le devoir suivant: Tu imploreras avec tes compagnes la miséricorde pour vous et pour le monde (P. J. 435). Jusqu’alors, elle remplissait le charisme propre de sa Congrégation de Notre-Dame de la Miséricorde, de sauver des filles et des femmes en détresse morale. Rien d’étonnant qu’elle ait compris la parole de Jésus comme un ordre de fonder une congrégation religieuse de plus pour implorer la miséricorde divine au monde entier.
Cependant, n’étant pas certaine d’avoir bien compris la pensée du Seigneur Jésus qui ne lui a rien dit d’en parler au confesseur, elle tait l’affaire pendant vingt jours. Enfin, provoquée par le Bienheureux Michel Sopoćko, son directeur d’âme, à lui avouer son secret d’âme, le 29 juin, elle luit découvre la chose : Voilà ce secret: Dieu exige qu’ il y ait une Congrégation pour proclamer sa miséricorde et l’ implorer pour le monde (P. J. 436)…a la fin de cette conversation, j’ ai vu Jésus tel qu’ il est sur le tableau. Il se tenait sur le seuil de la porte et il m’ a dit : « Je désire qu’ une telle Congrégation existe » (…) je me suis hâtée de rentrer a la maison, ne cessant de répéter au Seigneur : « Ô mon Dieu, je ne suis pas capable d’ accomplir tes desseins. » Cependant, chose étrange, Jésus n’ a pas preté attention à mon appel, mais il m’ a éclairée et m’ a fait savoir combien cette oeuvre lui était agréable. Il n’ a pas tenu compte de ma faiblesse mais m’ a fait comprendre combien de difficultés je devrais surmonter (P. J. 437).
Au lendemain de cet entretien, 30 juin 1935, sainte Soeur Faustine vit à nouveau le Seigneur au cours de la sainte Messe, qui lui dit « que cette congrégation soit fondée le plus vite possible (P. J. 438). Puis, Il en a défini la spiritualité et les engagements à prendre pour proclamer et implorer sa miséricorde au monde : …votre vie devra se modeler sur la mienne, depuis la crèche jusqu’ à ma mort sur la croix. Pénètre mes mystères et tu connaîtras l’ abîme de ma miséricorde envers les créatures et mon insondable bonté, et tu les feras connaître au monde. Par tes prières, tu seras l’ intermédiaire entre la terre et le ciel (P. J. 438). Au moment de recevoir la sainte Communion, Soeur Faustine reçut également une bénédiction de la sainte Trinité, ce qui la remplit de force et de paix : Jésus a disparu. Alors, j’ ai vu une grande clarté et j’ ai entendu ces paroles : « Nous te donnons notre bénédiction. » (…) je me sentais la force et le courage d’ accomplir la volonté de Dieu, rien ne me semblait difficile (P. J. 439).
Telles sont donc les circonstances de la naissance du Mouvement Apostolique de la Miséricorde Divine dont Jésus lui-même est le fondateur. Il a dévoilé à «sa Secrétaire » ses desseins de fonder « une congrégation », c’est-à-dire le mouvement dont les membres doivent l’imiter « depuis la crèche jusqu’à la croix », et prêcher la miséricorde au monde entier. Dans les toutes premières révélations Jésus a précisé le fonctionnement de cette oeuvre, en a désigné la spiritualité et l’apostolat, plaçant tout dans une perspective eschatologique : préparer le monde à son dernier avènement, donc à la Parousie.
Développement de l’idée du Mouvement Apostolique de la Miséricorde Divine
Soeur Faustine envisageait cette nouvelle oeuvre sous forme d’une nouvelle congrégation religieuse à caractère contemplatif. Le jour de la fête de Saint Ignace, elle eut recours à son intercession et elle obtint de lui une réponse claire : Ma fille, je ne suis pas indifférent à ta cause : cette règle peut également s’ appliquer à cette Congrégation (P. J. 448) – cela voulait dire que Soeur Faustine ne devait pas quitter sa Congrégation-mère. Cela ne l’a point rassurée, elle voyait mal la possibilité de réaliser le désir de Jésus au sein de sa communauté religieuse ; au contraire, elle était persuadée de la nécessité de la quitter pour en fonder une autre, demandée par Jésus.
Fin novembre, début décembre 1936, Soeur Faustine rédigea la Règle d’un nouvel ordre religieux contemplatif, s’inspirant des Constitutions de sa Congrégation-mère. La Règle reprenait les souhaits de Jésus, décrivait l’esprit et les engagements à prendre par les membres de la nouvelle communauté, leur recrutement et leur formation, la vie commune, la prière et la pénitence, l’apostolat à exercer et le fonctionnement de la Congrégation. À la première lecture de ces statuts, l’on est bouleversé par le radicalisme de la vie fondée sur la prière, les pénitences sévères et le renoncement, par un choix très sélectif des membres ; on reste également frappé par la ferveur apostolique de ses membres pour le salut des âmes.
En mars 1936 Soeur Faustine quitta définitivement Wilno et partit pour Walendów et Derdy, sous Varsovie, avant de rejoindre définitivement le couvent de Cracovie. Un mois plus tard, elle écrivit une lettre au Père Michel Sopoćko, de la maison des soeurs à Walendów, disant : Je vois clair qu’il y aura non seulement une congrégation de femmes et celle d’hommes, mais je vois qu’il y aura une grande association de personnes laïques à laquelle tous pourraient adhérer pour rappeler par des oeuvres la miséricorde divine et faire la miséricorde les uns aux autres. Elle ne cessait de prier à cette intention et de consulter ses supérieurs et ses confesseurs pour remplir au mieux la volonté divine. Elle offrait aussi pour cet objectif ses souffrances intérieures, dites « nuits obscures passives de l’esprit », auxquelles Dieu l’avait soumise. Plongée dans la pire obscurité, elle cherchait à tâtons Dieu et sa sainte Volonté.
Vint enfin le moment du soulagement. Le 27 avril 1937m Soeur Faustine se vit éclairée par une lumière divine : Pendant la sainte messe, la lumière et une profonde compréhension de toute cette oeuvre me sont venues et n’ ont pas laissé l’ ombre d’ un doute dans mon âme (P. J. 1154). Le Seigneur m’ a fait connaître sa volonté, qui impose a trois catégories d’ âmes des prescriptions différentes, mais finalement proches (P. J. 1155). La première structure rassemblerait des âmes retirées du monde se consument en holocauste devant le trône de Dieu et implorent sa miséricorde pour le monde entier… Elles imploreront sa bénédiction pour les prêtres et, par leurs prières, elles prépareront le monde à l’ ultime venue de Jésus (P. J. 1155). La deuxième serait constituée d’ordres religieux qui uniraient la prière à l’apostolat actif. Elles seront en particulier chargées de défendre du mal les âmes des enfants. Tout ce qu’ elles devront accomplir consiste en la prière et en l’ acte de miséricorde (…) Ces âmes s’ efforceront d’ éveiller dans ce monde égoiste l’ amour, la miséricorde de Jésus (P. J. 1156). La troisième réunirait tous les gens vivant dans le monde (P. J. 1157). La troisième est que des âmes vivent dans la prière et pratiquent la miséricorde sans être liées par des voeux, mais, en agissant ainsi, elles auront part aux mêmes mérites et aux mêmes privileges que les autres (P. J. 1157). Toutes les personnes qui font partie de ce dernier groupe devront accomplir chaque jour au moins un acte de miséricorde (P. J. 1158).
Il y a donc une oeuvre, mais en trois formes différentes. Nous comprenons maintenant pourquoi les visions de Soeur Faustine concernant l’emplacement de la nouvelle congrégation étaient tellement diverses. Laissons-la nous les présenter :… j’ ai vu un jour une petite église, et tout à côté d’ elle, cette congrégation. Le couvent avait douze cellules : chaque religieuse devait habiter séparément (P. J. 563) : Une autre fois : Un jour, lorsque je suis entrée dans la chapelle, j’ ai vu les murs d’ un bâtiment qui semblait en partie démoli. Il n’ y avait plus de vitres aux fenêtres, les portes non finies n’ avaient pas de vantail, seulement un chambranle. Alors, j’ ai entendu dans mon âme ces paroles : « C’ est ici que doit être ce couvent » (P. J. 559). Une autre fois encore, elle vit une petite chapelle ou six soeurs recevaient la sainte Communion, que donnait notre confesseur [il s’agit de l’abbé Michel Sopoćko] (P. J. 613) ; ou bien cette autre : j’ ai vu tout à coup un groupe d’ enfants (…) ils m’ ont entourée et se sont mis à crier très fort : « Défends-nous du mal ! » Et ils m’ ont emmenée dans la chapelle (…). Lorsque je suis entrée dans cette chapelle (…) le Seigneur Jésus (…) m’ a dit (…) toi, défends-les du mal. » (P. J. 765). La vision suivante : Aujourd’ hui, le Seigneur m’ a fait connaître en esprit le couvent de la Miséricorde Divine. J’ y ai vu une grande spiritualité, mais tout était simple et pauvre (P. J. 892). Dans la dernière révélation liée à la nouvelle congrégation Soeur Faustine vit les locaux (…) grands et spacieux (…) Les personnes qui vivaient dans ce couvent portaient encore des vêtements civils, mais l’ esprit monastique y régnait en plénitude (P. J. 1154). C’est bel et bien cette dernière vision de Soeur Faustine qui suit son entière description de la triple structure d’une seule oeuvre à laquelle appartiennent : ordres contemplatifs cloîtrés, congrégations et instituts religieux, et tous ceux qui s’engagent par la prière et par leur vie dans l’oeuvre de la miséricorde du Seigneur Jésus.
Le 27 juin 1937, Soeur Faustine a fini d’exposer dans son « Petit Journal » l’idée du Mouvement des Apôtres de la Miséricorde. Jésus l’envisageait dès le début comme un grand mouvement, cependant Soeur Faustine devait prendre du temps pour comprendre et passer de l’idée d’un monastère cloîtré à celle des ordres actifs, jusqu’à un mouvement, où tout le monde pourrait adhérer.
Disons aussi que dans les écrits de Soeur Faustine n’apparaît point le terme de « mouvement » mais elle utilise les mots : « congrégation » ou « oeuvre ». Jésus employait aussi le mot « congrégation », mais Il lui donne une autre signification que Soeur Faustine. La majorité des gens, y compris Soeur Faustine, entendent sous le terme de « congrégation » une communauté religieuse. C’est pourquoi la Sainte prenait à la lettre les énoncés de Jésus : « Je désire qu’une telle congrégation existe » (P. J. 437) et que cette congrégation soit fondée le plus vite possible (P. J. 438), pensant qu’il s’agissait d’une congrégation religieuse nouvelle pour obtenir la miséricorde au monde. Elle dit qu’à cette « congrégation » pourraient adhérer les personnes à des vocations diverses : les consacrés : femmes et hommes, et aussi des laïcs. Cette diversité de vocations nous conduit à une nouvelle connotation du terme « congrégation », notamment biblique, qui se traduit par „qahal” hébreu. Jésus donnait justement cette connotation-là à ce terme, en parlant de la « congrégation » à fonder.
Suivant le Dictionnaire de la Théologie Biblique – „qahal” en hébreu signifie : se réunir dans le but de mettre en oeuvre un culte religieux. Une telle congrégation à caractère sacré se caractérise par les traits suivants :
– Dieu seul la convoque ;
– elle se rassemble autour de la Tente de la Rencontre, un sanctuaire qui abrite Dieu ;
– Dieu se manifeste à l’assistance réunie par une Téophanie ou par l’entremise d’un médiateur, qui a de l’autorité sur l’assemblée ;
– la congrégation se réunit uniquement dans un but religieux, sacré, pour prier ou faire pénitence, et elle se laisse conduire et sanctifier par Dieu.
Remarquons que toutes les composantes du terme biblique « congrégation » sont présentes dans les énoncés du Christ inclus sur la question dans le « Petit Journal » de sainte Soeur Faustine. Ainsi, le Mouvement des Apôtres de la Miséricorde Divine serait une convocation nouvelle, la « congrégation » nouvelle de tout le Peuple de Dieu, afin de répondre au défi lancé par Dieu sur cette étape de l’histoire. Quel défi ? Celui de la nouvelle évangélisation, du renouveau de la vie religieuse, spirituelle ; celui de proclamer le mystère de la miséricorde divine et de l’implorer pour le monde entier. Ce sont exactement ces devoirs-là que le Bienheureux Pape Jean Paul II’avait mis devant l’Eglise universelle dans sa deuxième Lettre encyclique « Dives in Misericordia ».
Différents essais pour réaliser l’idée du Mouvement Apostolique de la Miséricorde Divine
Faire en tout la volonté de Dieu était le plus important pour Soeur Faustine. Elle soumettait à l’avis des supérieurs et confesseurs tous les ordres et souhaits du Seigneur Jésus et suivait à la lettre, et à tout prix, leur avis, sans égard aux souffrances et contre-temps qui se dressaient sur sa route. Il en fut de même de la réalisation de l’idée du Mouvement Apostolique de la Miséricorde qu’elle envisageait comme une nouvelle congrégation à fonder. Elle a réalisé que cette nouvelle congrégation allait englober des congrégations religieuses d’hommes et de femmes, et aussi une grande association de personnes laïques. Elle pensait que son rôle était de fonder un ordre contemplatif entièrement voué à la réalisation des objectifs du Christ.
En septembre 1935 Soeur Faustine présenta la cause à l’archevêque de Wilno, Mgr Romuald Jałbrzykowski. Mais celui-ci jugea sa décision de quitter sa Congrégation pour en fonder une autre comme une forte tentation du diable, et il lui recommanda d’obtenir la miséricorde aux pécheurs dans sa propre communauté : Armez-vous d’ une grande patience – lui dit-il, ma fille. Si ces choses viennent de Dieu, elles se réaliseront tôt ou tard… Sachez, ma fille, que, si c’ est la volonté de Dieu, cela se réalisera tôt ou tard, car la volonté de Dieu doit obligatoirement être accomplie (P. J. 473. 479).
Au mois d’octobre 1935, Soeur Faustine partit de Wilno pour Cracovie pour faire une retraite spirituelle de huit jours au couvent. Au cours de ces exercices, elle put s’entretenir avec le Père Joseph Andrasz, jésuite, son directeur de conscience, qui approuvait ses contacts intimes avec Jésus, tout en lui imposant l’obéissance absolue. À propos de la nouvelle congrégation, il lui répondit ce qui suit : Dans tout ce que vous m’ avez dit, je ne vois ni illusions, ni contradictions avec la foi : ce sont des choses bonnes en elles-memes, et il serait même bon qu’ il y ait un groupe d’ âmes qui implorent Dieu pour le monde, parce que nous avons tous besoin de prières (P. J. 506). Père Andrasz lui a également recommandé une grande prudence et une entière soumission à ses soeurs supérieures.
L’abbé Michel Sopoćko, résidant à Wilno, a fait beaucoup de démarches, de son côté, pour réaliser le souhait de Jésus. Il a même demandé à Mgr l’Archevêque, Romuald Jałbrzykowski, l’autorisation de pouvoir fonder un couvent avec un strict règlement. Dans les lettres qu’il lui envoyait, il commandait à Soeur Faustine l’obéissance au Père Andrasz, son confesseur de Cracovie, et une grande réserve malgré une forte pression intérieure, qu’elle ressentait pour se mettre à l’oeuvre de suite. Il il ajoute : Pour le moment, je ne vois aucun progrès dans l’affaire en ce qui concerne des conditions propices pour la congrégation, mais je ne perds pas d’espoir pour autant, et fais ce que je peux.
Soeur Faustine, pour sa part, s’entretenait du projet avec la Supérieure Générale de sa Congrégation, Mère Michaela Moraczewska et avec Mère Irène Krzyżanowska, supérieure du couvent de Cracovie. Toutes les deux lui laissaient sa liberté d’action. En profitant de la visite canonique du couvent de Cracovie par la Mère Générale, en mai 1937, Soeur Faustine lui a demandé, le 4 mai, une autorisation officielle pour pouvoir quitter la Congrégation, à quoi la Supérieure Générale, qui la retenait jusqu’alors et qui se refusait à la lui accorder, n’étant pas convaincue par les arguments que la Sainte lui présentait, lui répondit ce qui suit : Jusqu’ à présent, je vous ai toujours retenue, mais, maintenant, je vous laisse décider. Si vous voulez, vous pouvez quitter la Congrégation ; si vous voulez, vous pouvez rester (P. J. 1115). Lisons la suite de l’histoire : J’ ai répondu – écrit Soeur Faustine _ que c’ était bien ainsi. Je pensais que j’ écrirais immédiatement au Saint- Père pour lui demander de me dispenser de mes voeux, mais, quand je suis sortie de chez la mère générale, mon âme a été envahie par les ténebres, tout comme autrefois. C’ est une chose étrange que, chaque fois que je demand eà partir, mon âme soit plongée dans une telle obscurité et que je me sente en quelque sorte livrée à moi-même. Alors que j’ étais dans ce tourment spirituel, j’ ai décidé de retourner immédiatement voir la mère supérieure pour lui raconter mes étranges tourments et ma lutte. La mère m’ a dit que mon désir de quitter la Congrégation était une tentation (P. J. 1115). Lorsqu’elle en a reparlé avec son confesseur, il lui dit que ce n’est peut-être pas le moment choisi par Dieu. Et il a conclu, en sage directeur d’âme : Il faut prier et attendre avec patience (P. J. 1117)
Après cette ultime tentative de quitter sa Congrégation, Soeur Faustine nous conte ses souffrances d’âme et d’esprit concernant l’oeuvre : Personne ne peut comprendre ni concevoir mes tourments, et moi-même, je ne suis pas capable de les décrire, mais il n’ existe pas de plus grande souffrance. Les souffrances des martyrs ne sont pas pires, puisque, dans ces moments-la, la mort serait un soulagement pour moi. Il n’ y a rien a quoi je puisse comparer ces souffrances, cette interminable agonie de l’âme (P. J. 1116).
Malgré ces tourments inénarrables, elle y percevait la volonté de Dieu : Dans ses décrets impénétrables, Dieu permet que ceux qui ont fourni les plus grands efforts pour accomplir une oeuvre ne puissent pas, le plus souvent, jouir des fruits de cette oeuvre ici-bas : Dieu leur en réserve toute la joie pour l’ éternité (P. J. 1402). Dans sa lettre au Père Sopoćko, elle a fait cet aveu : Les difficultés et contre-temps ne sont qu’une épreuve et jamais la preuve que Dieu désapprécie l’oeuvre. Petit à petit, elle se faisait plus discrète, elle intervenait moins, persuadée que Dieu finirait ce qu’Il avait lui-même commencé. Dans sa dernière lettre à son confesseur, elle écrit ceci : Quant à (…) cette nouvelle congrégation, je n’ai aucun doute que ce soit la volonté explicite de Dieu. Il l’a commencée par nous ; À qui de le terminer ? Ce n’est pas notre affaire ; faisons ce qui est dans notre pouvoir, rien de plus.
Toute cette expérience à laquelle Dieu a soumis Soeur Faustine a été l’ultime purification de son âme, la très douloureuse nuit passive de l’esprit pour s’unir définitivement à son Epoux et atteindre aux sommets de la vie mystique. Dans ses décrets insondables, Dieu qui est un mystère la purifiait intérieurement pour poser de solides fondations au futur grand Mouvement universel d’Apôtres de la Miséricorde Divine dans l’Eglise. Le Seigneur ne misait point sur la fondation d’une nouvelle congrégation par son intermédiaire, puisque finalement, malgré tant et tant de démarches qu’elle avait déployées, elle ne l’avait pas fondée. Il la voulait plutôt un modèle parfait de tout apôtre de la divine Miséricorde, de confiance absolue, de charité exemplaire, l’apôtre qui sait tirer profit de tout pour annoncer, proclamer et obtenir la miséricorde au monde. Soeur Faustine est sortie victorieuse de la nuit passive de l’esprit. Le jour de la fête de la Miséricorde, elle se réjouit d’une « grande liberté d’esprit » qu’elle traduisit par la rédaction définitive de la triple structure de l’oeuvre. Sur cela elle arrêta toute initiative et ne revint plus sur son projet. Au moment de la mort, Soeur Faustine est entièrement délivrée de toute préoccupation et se dit avoir rempli la mission commandée par le Seigneur. Quelques semaines avant son décès, elle dit à son directeur d’âme, le Bienheureux abbé Sopoćko, de veiller avant tout au culte de la Miséricorde Divine et de ne pas trop s’occuper de la nouvelle congrégation, car à un moment donné il aura connaissance qui et quoi faire en l’affaire.
Traduction : soeur M. Ancilla Miąsik ISMM
Le texte in extenso se trouve dans le livre de soeur M. Elżbieta Siepak ISMM : Nowe „zgromadzenie” św. Siostry Faustyny. Apostolski Ruch Bożego Miłosierdzia, Kraków 2002. [Nouvelle « congrégation » de sainte Soeur Faustine. Mouvement des Apôtres de la Miséricorde Divine], Cracovie 2002.